RONDE CORNEILLA LA RIVIERE 2013

M.Santanac-M.Nuns vainqueurs de la Gentlemen. Pour Candelon le CLM

(13-10-2013)

Belle journée ensoleillée pour clore la saison sur route. Michel Santanac – Matthieu Nuns, s’imposent d’un souffle. Licenciés au V.S. Narbonnais, Santanac et Nuns possèdent leurs attaches sur Perpignan, le premier nommé exerçant chez les sapeurs pompiers, et son coéquipier y poursuivant ses études. Le duo ‘’gavach’’ souffle la victoire à un autre duo gavach, Olivier Candelon – Christophe Périé de Coursan cette fois, pour neuf petites secondes. La semaine passée à Montner, ceux-ci s’étaient déjà inclinés face à une équipe de triathlètes avec un écart minime de douze secondes. Hier c’était mieux, mais encore insuffisant. En troisième position et, à seulement dix sept secondes des vainqueurs, arrivent les boulounencs Didier Respaut et Francis Roger. Trois formations qui se tiennent dans un mouchoir.

Derrière eux se retrouve également du beau monde avec des hommes qui en ont encore sous la socquette, alors que la fin de saison touche à son épilogue. Bravo donc aux Jigot, Guedon, Berno, Longo, Carcassonne, Autem, Botteau, Gadenne, Martin… et autres, sans oublier les féminines catalanes Nadège Mandart, Sophie Garcia, Estelle Andrieux, et Véronique Beauvais.

Le contre la montre individuel, disputé sur le même circuit de 17,4 km, a permis de souligner à nouveau la suprématie d’Olivier Candelon, qui à 40 ans, continue de mettre en avant sa supériorité dans l’exercice de l’effort solitaire. Il y devance Pierpaolo Berno de douze secondes. Didier Respaut, Joël Gimbernat et Cyril Jenot complètent le top cinq. Au classement par équipes cette fois, le C.C. Le Boulou devance le C.C. Rivesaltes. D’un point !

La Ronde de Corneilla a été l’occasion d’honorer un ancien coureur du peloton. Jésus Martinez, l’homme du Midi-Libre et de Gênes-Nice, le cheveu toujours frisé, arborait son traditionnel sourire. A 83 ans, il a été applaudi par tous, et avec son émotion coutumière a remercié Corneilla, pour l’accueil qui lui était réservé.

La municipalité de Corneilla a bien fait les choses pour recevoir les cyclistes en herbe de Claira, Corneilla la Rivière, Coursan, Font-Romeu, Ille-sur-Têt, Le Boulou, Narbonne, Rivesaltes et Saleilles. Ceux-ci venus en nombre ont assuré le spectacle, encouragés par un public composé en grande majorité d’amis et de parents.

L’école de cyclisme du Boulou, se taille la part du lion, remportant les cinq épreuves masculines, laissant tout de même quelques lauriers aux féminines Lucie Périé (Coursan), Anaïs Roselle Vervich (Saleilles) et Laura Martinez (Saleilles).
 

Durant cette journée, un hommage a été rendu à Jésus MARTINEZ.

Jésus Martinez est le dernier enfant d’une famille de neuf, venue d’Espagne en 1922. Il naît le 6 octobre 1930 à Montazels (commune limitrophe d’Espéraza). Il vit des moments difficiles et connaît aussi la faim. ‘’J’arrachais de petites pommes de terre que je mangeais vertes et crues. J’allais à l’école pieds nus, et ne mettais mes chaussures qu’en entrant dans la cour, afin de ne pas les user’’. Dès ses quatorze ans il quitte l’école communale et va travailler au service entretien d’une fabrique de chapeaux, où il apprend la maçonnerie. Avec ses économies, il achète à dix huit ans son premier vélo d’occasion, et prend licence à l’Auto Moto Vélo Club d’Espéraza. Son premier maillot sera blanc et noir.

La maison familiale étant trop petite, Jésus est hébergé chez une de ses sœurs à Ferrals des Corbières. Comme il n’est pas question d’abandonner le travail à l’usine, pour s’y rendre il parcourt quatre vingt kilomètres chaque matin et autant le soir pour en revenir. Rien d’exceptionnel à ses yeux. Des efforts qui vont être rapidement récompensés par de bons résultats. Les cycles Marcaillou de Toulouse l’encouragent un peu, sous forme de prime lors de ses succès. Pour son service militaire, il est incorporé à Carcassonne, où il prend licence à l’A.S.C. Les dirigeants de l’AMVC Espéraza qui organisent chaque année leur Grand Prix International, gardent de bonnes relations avec le milieu, ce qui vaut à Jésus d’obtenir une place de remplaçant pour le G .P. des Nations 1952. C’est le forfait de Fiorenzo Magni qui lui permet de se présenter au départ de ce contre la montre de 142 km, sous les couleurs vert et jaune de Métropole, un vélociste de Cahors.

G.P. des Nations 1952.

Jésus fait le déplacement à Paris, à ses frais, accueilli tout de même par un supporter. Il se comporte bien en course, rattrapant même Stan Ockers parti quatre minutes avant lui. Ecoeuré, le champion belge jette son vélo dans le fossé et abandonne. Plus loin, à neuf kilomètres du Parc des Princes, Martinez est rejoint par Louison Bobet. Jésus a besoin de gagner un peu d’argent, car il a emprunté cinq mille francs pour effectuer le déplacement à Paris. Il sait qu’au dernier tour du vélodrome, une prime est attribuée au coureur y effectuant le meilleur temps. Alors, il tient à distance le sillage de Bobet, et en garde sous la pédale, afin de fournir son effort, au dernier tour de piste. Il reste ainsi à une centaine de mètres derrière Bobet, jusqu’à l’entrée du vélodrome. Sur le dernier tour, il réduit l’écart, se rapprochant à 50 mètres de Bobet. Le lendemain dans le journal L’Equipe, il peut lire que le meilleur tour a été effectué par Bobet ! Se rendant au siège de l’organisation pour faire valoir son bon droit, Jésus demande au chronométreur de bien vouloir lui communiquer son temps. Qui es-tu jeune homme ? s’entend-t-il dire. Après quelques recherches embarrassantes, il s’entend dire : excuses-moi je ne t’ai pas vu et, n’ai pas pris ton temps ! Et il s’en retourne chez lui avec le seul prix attribué à la 14ème place, mais avec le qualificatif d’espoir du cyclisme français. Romain Bellenger son directeur sportif, oubliera même de lui reverser ses frais de route.

Désormais, Jésus Martinez ne travaille plus qu’en hiver, consacrant tout son temps au vélo, dès les beaux jours.
En 1953 mis à part quelques courses régionales, l’année s’avère creuse pour lui.
En 1954, son patron qui n’est autre que le Président de son club, lui remet deux enveloppes. L’une pour René Vietto, l’autre pour un hôtel de Cannes, où il va séjourner durant six semaines sur la Côte d’Azur. Il effectue une préparation payante, sous les couleurs noires à parements jaunes de Vietto. Les bons résultats : 9ème à Nice, 10ème à Saint
Raphaël et 7ème à Monaco débouchent sur la victoire à Gênes – Nice.

Gênes-Nice 1954.

‘’J’étais seul dans le col de La Turbie, avant d’être rejoint dans la descente par l’Italien Cottalorda, que je devance sur la ligne. Jacques Dupont termine 3ème et Gilbert Bauvin 4ème ‘’.

Le stage terminé, Vietto libère Jésus, qui est récupéré par Fornoms lequel avec les cycles Splendid de Montpellier constitue une équipe pour disputer principalement le Midi-Libre et les 6 Provinces. La moisson continue : 8ème à Bordeaux-Saintes, 6ème au Tour du Vaucluse, 2ème au Prix de Castries, 1er au G.P. de Figeac, 1er au contre la montre de Figueras, avant d’affronter le Midi Libre. Au sein de cette formation, aux côtés de Jésus Martinez, se retrouvent Philippe Agut, Santiago Mostajo, Folch et Federico Bahamontes.

Midi-Libre 1954.

Au Grand Prix du Midi (G.P. du Midi Libre), disputé en deux étapes, Jésus Martinez termine second le samedi, alors que dans le final il est en compagnie de Vincent Vitella (Alcyon) et de Jean Dacquay (Mercier). En vue de la banderole, il place un démarrage puissant, prend une vingtaine de mètres d’avance et, la banderole franchie desserre les courroies de ses cale-pieds. Les spectateurs hurlent : « C’est pas là, c’est plus loin ». Trop tard ! Il repart, mais Vitella le devance sur la ligne, placée après la banderole. Pour l’étape du lendemain, Siro Bianchi (La Perle) l’emporte. Jésus qui ne s’est pas laissé surprendre décroche le classement général, ce qui lui vaut de troquer le maillot rouge de Splendid, pour la casaque blanche du vainqueur final.

Circuit des 6 Provinces 1954.

Après les premières étapes, Martinez pointe au 4ème rang du général. Malgré cela Agut a la priorité au sein de l’équipe, car cela a été ainsi établi au départ. Au sein de la 5ème étape Jésus perce deux fois et se retrouve seul, par un froid glacial, sans boyau de rechange. Il évite l’élimination. Une étape qui a pour lui des conséquences désastreuses avec un épanchement de synovie, et l’abandon lors de la dernière journée. De cette épreuve reste pour lui le souvenir de Charly Gaul l’implorant de ralentir dans un col. Maigre consolation pour lui, car la sélection dans l’équipe nationale pour le Tour de France, que lui avait assurée Marcel Bidot, s’envole avec sa blessure.

Toujours en 1954, il remporte le Grand Prix de Figeac, la course de Figueras, et le Circuit des 3 Vallées disputé en trois étapes.

Pour de multiples raisons, malgré de bons résultats, Jésus Martinez, ne passe jamais professionnel. Il possède une santé de fer, mais ne veut pas quitter sa région.

En 1955, toujours ‘’Indépendant’’ la chance semble lui sourire. Les cycles Terrot qui soutiennent Charly Gaul, lui envoient Maillot, matériel et survêtement à son nom. Il renouvelle son stage sur la Côte d’Azur à Cabris. 11ème à Oran, 30ème à Gênes – Nice, les choses ne tournent pas rond comme pour la précédente saison. Après quelques problèmes de santé il renoue avec la victoire à Carcassonne lors du Grand Prix Martini. Désormais Jésus poursuit en régional, sous les couleurs jaune et bleu de Peugeot. Vélo l’été, usine l’hiver, il a du mal à joindre les deux bouts. Il va ainsi jusqu’en 1958 où il raccroche définitivement : ’’ Je participe au Critérium de Quillan. Non seulement les dirigeants ne m’accordent pas de cachet de départ, mais en course, échappé avec Delberghe et Stablinski, ceux-ci se liguent contre moi pour disputer les primes. Je décide d’arrêter là ma carrière !’’. Un mois plus tard il devient artisan maçon. Les débuts sont durs, mais Jésus y met toute son énergie et l’activité de son entreprise s’accroît peu à peu.